De nuit, vu du ciel,
Addis Abeba se présente comme une guirlande lumineuse. Enfin me voilà
sur le sol Ethiopien pour une quinzaine de jours pour Illalta et rendre
visite au village de Gawani où se trouve notre projet. Avec Aicha,
quelle n’est pas notre surprise d’apprendre par les autorités que l’on
ne peut pas se rendre sur Gawani, le village est en quarantaine car il y
a de fortes diarrhées. Ces fortes diarrhées se nomment choléra! Nous
découvrons qu’il y a déjà beaucoup de morts dans cette zone. Notre
programme initial est modifié.
Nous roulons sur la
route du « commerce » entre Addis et Djibouti où des camions d’une autre
jeunesse parcourent cette région Afar où le soleil brule les corps et la
terre.

Après avoir quitté Awash
nous empruntons la piste sur plusieurs kilomètres, rencontrant au détour
d’un nuage de fumée des dromadaires, des chèvres, des vaches qu’une
silhouette frêle, surveille avec amour son troupeau. Nous arrivons en
Hane Dabbi, autre petit village perché sur une colline au milieu d’un
paysage volcanique où les habitations se confondent avec les pierres.

C’est ici que nous
allons travailler. Là, au milieu de nulle part, surgissent des enfants,
aux visages poussiéreux, aux joues creuses, et au regard triste. Nous
rencontrons de jeunes mamans (13 ans) avec leur bébé dans les bras,
elles veulent que nous parrainions leur petites filles afin qu’elles
ne soient pas excisées.

Dure réalité car il y a
très peu de nourriture: un verre de lait et une galette par jour. Pas
d’eau, car pour ces habitants l’eau est une denrée rare et chère, pas de
possibilité de se laver, d’avoir un minimum d’hygiène. Pourtant nous
rencontrons des mères qui essayent de lutter contre tous ces fléaux et
tout particulièrement contre l’excision et l’infibulation: la seule vue
des épines d’acacia nous montre la cruauté de cette néfaste tradition.
(C’est avec ces épines que l’on referme la partie génitale de la petite
fille).

C’est un appel au
secours pour les aider. Ces femmes sont décidées à faire des kilomètres
à pieds avec le soutient du Cheik (autorité religieuse) pour démontrer
que ces mutilations sont néfastes. Mais elles ont besoin de notre aide
dans ce combat. La solution est de parrainer leur petite fille pour
qu’elle soit sauvée de cette mutilation. Dans ce village il y a aussi
une structure pour l’école; mais la vie est si dure que les maitres
venant de la capitale ne restent pas, d’autant plus qu’ils n’ont
pratiquement pas de matériel pour enseigner et aussi, comment apprendre
à des enfants qui ont le ventre vide ?

Avec toutes ces questions nous repartons pour la
capitale et là nous contactons tous les services des droits aux enfants
(comité inter Africain, les services ministériels …), d’autres
associations qui travaillent sur la région Afar (Rohiweidu, Dadale…) qui
sont nos partenaires dans cette lutte contre les MGF ainsi que l’ONG
ACEDE. Nous contactons aussi Fistula Hôpital qui fait un énorme et
généreux travail pour remédier aux fistules de ces très jeunes mamans et
leur faire retrouver leur dignité.
Merci au Dr Kouyaté,
directeur des MFG du comité Inter africain qui a pris de son temps pour
nous recevoir et nous montrer tout le travail qui est mis en marche pour
lutter contre les pratiques traditionnelles affectant la santé des
femmes et des enfants. Oudoum, Madina, Fatouma, Halima, Zahra, toutes
ces petites filles vont être parrainées, mais il y en a encore beaucoup
d’autres fillettes qui attendent un parrainage pour être sauver de ces
néfastes traditions.
De retour en France,
nous gardons au fond de nous les beaux visages au regard triste de ces
petites filles et de ces très jeunes mamans, comme celui d’Asma cette
jeune mère de 14 ans, qui à du laisser son bébé de 3 mois au village
pour venir sur Addis avec l’aide de bénévoles pour essayer de soigner
une fistule et subir plusieurs opérations.

Après tous ces
témoignages, nous ne pouvons que nous motiver pour éradiquer l’excision
et l’infibulation. Mais il y a aussi les mariages précoces, qui sont une
conséquence de toute cette misère, dûs au manque d’éducation. Malgré
tous ces problèmes la population Afar accueille l’étranger avec dignité
dans cette région où l’on croise au détour de la piste phacochères,
dromadaires, buffles, chèvres, singes. Quinze jours se sont écoulés,
Aicha et moi avons vu beaucoup de monde, mis en place des parrainages,
envoyé une maman avec sa fille en formation pour le tissage sur Addis
Abeba. Tout cela nous avons pu le faire dans de bonnes conditions grâce
à notre traducteur Ali qui lui aussi est notre partenaire dans
l’association Dadale ;
Maintenant
doit trouver les moyens financiers pour pouvoir avancer dans
toutes ces actions.
Aicha et moi sommes
partagées entre joie et tristesse: joie d’avoir mis en place ces
parrainages pour ces mamans, tristesse de ne pas avoir pu apporter notre
aide au village de Gawani où des visages connus sont morts. Avec tous
ces souvenirs nous sommes de plus en plus certaines que : « aucune
tradition n’est sacrée dès lors qu’elle porte atteinte aux droits et à
l’intégrité de l’enfant. »
Ethiopiennement Votre,
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